Notre commune (1200 ha, 465 hab. en 2014) est en progression démographique constante depuis 1975, après avoir atteint son optimum (le double) de peuplement paysan au XIXe siècle. Aujourd'hui, l'activité agricole demeure l'une des plus prospères du secteur tandis qu'une population nouvelle de salariés et de résidants secondaires occupent des maisons récentes ou un habitat ancien réhabilité avec goût.
L'actuelle commune plonge ses racines dans vingt siècles d'histoire connue depuis l'époque gallo-romaine dont elle conserve plusieurs sites ; toute la vallée de la Tourmente, de Turenne jusqu'à la Dordogne, abonde d'ailleurs particulièrement en vestiges de cette occupation antique qui témoigne de la diversité culturale de son sol fertile. Depuis 1800, Cavagnac réunit dans une même communauté municipale de ce nom deux anciennes paroisses : la cavagnacoise et celle, contiguë, de Saint-Palavy (saint Palais, évêque de Bourges vers 380 - Palavy en occitan - son vocable). Ces deux clochers, distants de 2,3 km, ont évidemment une existence millénaire. N.-D. de Cavagnac est attestée en 868, tandis que la paroisse de Saint-Palavy (dont le petit territoire a sans doute été démembré de celui de Cavagnac) n'apparaît dans les textes qu'au Xlle siècle, mais son implantation est sûrement carolingienne.
Deux églises pour une seule petite commune, c'est lourd... D'autant que, outre le service cultuel qu'elles assument toujours, elles présentent l'une et l'autre, dans une facture et un esprit fort dissemblables, un incontestable intérêt archéologique et/ou historique qu'il faut maintenir, entretenir et promouvoir.
L'église romane de Cavagnac, placée sous le vocable de Notre-Dame de l'Assomption, a succédé probablement à un édifice carolingien. Dans son aspect actuel, souvent saisi par la palette ou l'objectif de l'artiste, elle se dresse en témoin local d'un style roman d'influence limousine que les spécialistes datent des années 1140 par l'examen du chevet couronné de beaux modillons, de l'abside et de la nef qui conservent son unité au bâtiment. Cette homogénéité a été reconnue par une mesure de classement MH pour l'ensemble de l'édifice (1976). Echappent néanmoins à l'époque romane le clocher, sans doute rebâti, les chapelles formant transept (ouvertes vers 1450) et le grand portail ouest qui, s'étant écroulé, a été refait dans le style classique en 1779 et nous prive d'un précieux jalon roman. Le décor intérieur (essentiellement quatre chapiteaux) révèle d'incontestables emprunts à certains motifs de l'abbatiale de Beaulieu-sur-Dordogne (Corrèze). Cette influence ne saurait surprendre puisque cette abbaye disposera de l'église et aussi de la supériorité féodale sur Cavagnac jusqu'à la guerre de Cent Ans. Le mobilier, quoique en petit nombre, n'est pas négligeable ; il orne en particulier les deux chapelles avec un tabernacle en bois polychrome et doré en forme d'urne (XVIlle) dans l'une où des éléments de retable méritent aussi attention ; et un retable de même époque dans l'autre (chapelle de la Vierge).
Ce village perché - « le bourg » - de Cavagnac est un cas remarquable de castrum, c'est-à-dire un habitat muré, défendu par des tours, une bistour, un fossé et des portes fortifiées (de Chanteserp, de la Gerle...). Par malheur, si nous connaissons par les documents l'existence de ce dispositif défensif, il n'y en a plus trace matérielle aujourd'hui, à l'exception évidemment des données topographiques, de la disposition des maisons mitoyennes aux façades aveugles du côté de la vallée, etc. Mais il reste le château à l'extrémité de l'éperon.
Avec sa tour du Xllle siècle, séparée du logis seigneurial, l'enceinte murée qui cerne le parterre, le château bénéficie désormais (2013), comme l'église, d'une mesure administrative de protection. Sur cet éperon dominant la Tourmente on distingue, au sud et au sommet de la butte, l'hospitium (demeure seigneuriale) et ses vestiges, ainsi que la grosse tour carrée du Mlle siècle, l'aile est/ouest avec les transformations subies du XVIe au XIXe siècle. La grande aile au classicisme sévère, avec façade au midi, est articulée au bâtiment précédent vers 1750. Au nord, l'enclos est occupé par diverses dépendances. Passées les grilles et clôtures de l'ensemble castrat formant « réduit » ou « fort », se trouve l'église paroissiale. Tout au long de son histoire, du Xlle siècle à la Révolution, le castrum de Cavagnac est demeuré dans deux familles seulement. La première est celle des Robert de Cavagnac, vassale des abbés de Beaulieu auxquels est prêté l'hommage à plusieurs reprises. Puis, par alliance, l'héritière de Cavagnac transmet (vers 1380) cette seigneurie à la famille de Giscard (de Cornac et Gagnac en Quercy). Ce lignage qui désormais en hommage aux vicomtes de Turenne, conserve la seigneurie jusqu'en1790. Au XIXe siècle, ce sont les de Plas de Curemonte, les Valrivière, les Materre de Chauffour, puis les Baugier qui possèdent le château, aujourd'hui propriété de M. Ph. Viguié Desplaces.
L'ensemble formé par le château et l'église, proches l'un de l'autre, forme un imposant site médiéval. Les promoteurs du tourisme pédestre ne s'y sont pas trompés : ils font passer par le bourg un itinéraire secondaire du chemin de Compostelle rejoignant Rocamadour...
Du bourg de Cavagnac, en parcourant vers le nord un très ancien chemin de crête, on atteint le bourg pittoresque et l'église de Saint-Palavy, transférée dans ce lieu (le village de Pech-Coguol, Puy du Coucou - ou du Cocu) et bâtie en 1680. Elle succède à un édifice probablement roman situé à 800 m en contrebas et à l'ouest du coteau, à Saint-Palavy-Bas, l'ancien chef-lieu paroissial placé à proximité d'une « grange » (prieuré) de l'abbaye cistercienne d'Obazine. De cette église-là, il ne reste plus rien sinon quelques pierres de taille remployées dans une maison voisine. La translation de l'actuel sanctuaire a été décidée en 1666 pour des raisons apparentes de commodité, mais plus vraisemblablement motivée par la rénovation du culte dans l'esprit de la Réforme catholique. C'est tout l'intérêt de notre église à l'intérieur, nous le verrons. Extérieurement en effet, c'est un édifice à l'architecture simple et robuste, soigneusement maçonné de belles pierres de taille en calcaire doré emprunté au sous-sol (comme à Cavagnac). Le temps a provoqué par endroits quelques légers désordres à réparer. Le clocher a été reconstruit, avec soin et goût, vers 1867. C'est donc à l'intérieur que se manifeste, dans le mobilier et les décors peints au XIXe, toute l'importance de ce petit sanctuaire bâti au coeur de la Contre-Réforme catholique.
Le maître-autel, et les autels des deux chapelles latérales formant transept, sont des ébénisteries de style baroque comme l'ensemble du décor de dorure et de polychromie. Un grand retable ferme tout le choeur, et les chapelles sont également garnies de retables « secondaires ». Le retable principal en bois sculpté et doré a sans doute été mis en place peu de temps après l'achèvement de la construction de l'église, vers 1682. C'est le moment où l'Eglise catholique se réforme conformément aux décrets du Concile de Trente ; elle renaît dans un élan de ferveur religieuse autour de la beauté du culte, de son espace, du Mystère eucharistique. C'est aussi, localement, la grande époque de l'atelier de sculpture des frères Tournié, de Gourdon, auquel l'oeuvre s'apparente. Au demeurant, cette belle réalisation sur le thème de la Trinité, a été récemment inscrite à l'inventaire supplémentaire des objets et oeuvres d'art. De plus, la chapelle nord célèbre le culte marial (N.-D.-du-Rosaire) également dans le droit fil de la Réforme catholique. D'où le grand tableau, placé au-dessus du bel autel - tombeau baroque, mettant en scène la remise du chapelet ou rosaire par la Vierge à un religieux dominicain en oraison. La qualité de cette toile qui ajoute à la spiritualité promue par le concile de Trente si frappante dans ce sanctuaire, justifie pleinement sa restauration.
De même, les différents décors, en motifs géométriques de couleurs variées, peints au XIXe siècle, si rarement préservés dans nos églises à cause de la suppression des enduits et de la mode de mise à nu des murs dans les années 1960, sont restaurés dans leur diversité, à l'identique, avec le plus grand soin.
Telle se présente l'église, toute d'or et de teintes vives, de Saint-Palavy dans son charme prenant de sanctuaire rural qu'elle a su conserver. Avec N.-D. de Cavagnac et son austérité romane, voilà le couple monumental dissemblable mais inséparable qui constitue le socle du patrimoine cavagnacois.
Il existe aussi à Saint-Palavy un château, bon témoin de ce que fut l'aisance de la grande propriété foncière, ayant appartenu à la famille Briat enracinée en ce lieu depuis le XIVe siècle. L'édifice a été remanié dans le goût du XIXe siècle, et la demeure est restée, par alliance, dans la descendance des Briat de Traversat, aujourd'hui la famille de Bisschop. Et la troisième église ? Plutôt une chapelle, désaffectée dans la première moitié du XXe siècle après avoir été bâtie avec grand soin autour des années 1900 par l'abbé H. Lacroix, curé de Cavagnac, à son propre usage. Située à la lisière du village d'Aubiac, d'accès commode, l'église du Gué d'Aubiac est assortie d'une habitation annexe qui fut presbytère et école libre de filles jusqu'à la guerre. Propriété privée, elle est maintenant promise à des manifestations culturelles par son propriétaire.
Le patrimoine de Cavagnac présente encore la grande diversité de son habitat ancien (XVe - XVIlle siècle), tant dans le bourg — l'ancien presbytère, les maisons de Vézy, Leygonie, Valette, Louradour, Jaubertie — que dans les villages : Aubiac, La Gane, Sauvagnac, Auriol, Le Bayle, Le Duc (vestiges d'une « aumônerie » ou hôpital rural du XIVe siècle), Dorval... Et sur le territoire de Saint-Palavy : le bourg et son presbytère du XVIIIe siècle, Montagnac, Saint-Palavy-Bas, Mas-del-Bos, Lhom, La Bénéchie, Comberedonde (ravissant manoir du XVI le siècle)...
Vient enfin le « petit patrimoine » dispersé sur tout le territoire communal, à recenser, à conserver : les croix de villages, de carrefour, de mission, des deux cimetières... Les sources et les puits, les lavoirs, les fours, les moulins et pressoirs, les « travails à ferrer »...
Voilà le socle du patrimoine cavagnacois qu'il nous faut contribuer à entretenir et promouvoir. A vous, amis, de nous aider dans cette juste tâche.
Pierre Flandin-Bléty